Test | Disgaea 6 : Defiance of Destiny
22 août 2021

Can You Really Be the Hero ?

Testé par sur
Disgaea 6 : Defiance of Destiny

Après de multiples rééditions, elle est enfin là, la suite tant attendue de la série refuge des joueurs qui aiment les jeux à part. Disgaea est aussi désuet qu'anti-conformiste. Il touche autant au classicisme qu'il est provocateur. Sa suite Disgaea 6 : Defiance of Destiny ne déroge pas à la règle : elle imprime toujours un humour, un univers et une jouabilité aux petits oignons. Pourtant, que les habitués se préparent, la simple implantation d'une option anecdotique révolutionne la licence et risque de bouleverser leurs croyances. Disgaea 6 risque bien de devenir le comble pour tous les fans de la licence. Foi de Prinny !

L'histoire

La licence fait table rase et abandonne ses héros emblématiques et charismatiques (Etna, Adell, Lahari...) pour un zombie, Zed, qui a la particularité de se réincarner à l'infini. Métamorphe vidéoludique par excellence, les vies ne manqueront pas pour aller de l'avant. Dans une sorte de course-poursuite à la Pixar, vous allez vous réincarner d'univers en univers pour tuer les grands méchants afin de venger votre sœur. Chaque univers est distinct (de la fantasy à la science-fiction), développe sa propre histoire et amène les nombreux personnages qui rejoindront votre équipe.

Cet épisode est courageux. Il ose bousculer ses codes. Les nouveaux protagonistes tendent vers quelque chose de plus actuel mais leur style est incisif et reste de bon goût. De même si l'histoire est toujours bien écrite, théâtrale, passionnante à suivre et émaillée de digressions à mourir de rire, le choix d'histoires disparates dilue l'univers gothique et déviant en quelque chose de plus consensuel. C'est à double tranchant, puisque si cela inscrit Disgaea dans une lignée plus classique, il risque de se mettre les fans à dos. Surtout que le jeu n'est pas aidé. En cause : une traduction qui mérite certes d'être félicitée et d'être bénie des dieux, mais qui manque de relief et ne rend pas toujours justice à cet univers, à des personnages hauts en couleur et au rythme du jeu extrêmement agressif, puisque, rappelons-le, dans Disgaea après chaque combat vous ne montez pas les niveaux un par un, mais par dizaines ou centaines jusqu'au niveau absurde et parodique de 9 999 999.
Cet épisode bouscule les codes

Le principe

Un humour corrosif.

Disgaea est un tactical RPG classique au tour par tour, c'est-à-dire que vous déplacez vos unités en vue isométrique sur une grille d'échiquier où il s'agit de prendre en compte les spécificités du terrain et le placement des ennemis. Chaque placement a son importance puisqu'ici plus qu'ailleurs la proximité avec vos coéquipiers offre des possibilités d'attaques, de combos, de contre-attaques, de contre-contre-attaques... De plus, Disgaea possède aussi ses originalités : terrains connexes à différents types de bonus-malus sur lesquels on influe, vous pouvez porter et lancer des objets et même des unités afin d'accroître votre zone de déplacement...

Disgaea 6 : Defiance of Destiny reste égal à lui-même et empile les systèmes de jeu comme autant de propositions de jouabilité, qui dans cet épisode semblent moins dispersées, plus concentrées sur la toute puissance du joueur sur cet univers : création d'unités, de nouvelles races, de quêtes par milliers, de recherche d'objets surpuissants, de la possibilité de corrompre les règles du monde, de donjons à la difficulté ardue et de pousser à l'extrême les gains de niveaux... Mais Disgaea 6 implante un nouveau système : « l'ultra-réincarnation » c'est-à-dire la possibilité de faire revenir au niveau 1 son personnage, afin de changer sa classe tout en gardant l'expérience, les compétences et d'accumuler des bonus permanents sur le personnage en question.

Cette idée est permise par une gestion de l'expérience spectaculaire et riche de possibilités, mais surtout par une nouvelle option qui permet de passer tous les combats en mode automatique, durant lesquels le joueur n'est que spectateur. Évidemment la gestion de vos troupes est paramétrable au millimètre près, mais même en la laissant par défaut, l'ordinateur vous fera arriver à la fin du jeu presque sans peine, puisque lors de certains niveaux « puzzle », il vous faudra tout de même reprendre la main. Deux manières totalement louables d'envisager la chose : soit de l'utiliser de manière anecdotique afin de vous faciliter les phases de farm et de vous appuyer au mieux dans votre objectif de réaliser un 100 %... ; soit de l'utiliser de manière permanente et, ainsi, d'envisager le jeu non plus comme un tactical RPG mais comme une expérience plus proche de ce que l'on trouve sur smartphone et vous rapprocher du jeu de gestion de troupes. Un changement de paradigme qui va en faire hurler plus d'un, mais qui fonctionne parfaitement tant les systèmes sont nombreux et se prêtent à la perfection à cette entorse. Enfin, si ça permet d'amener de nouveaux publics à cette licence, l'expérience reste à la carte et est parfaitement réussie.
L'expérience reste à la carte et est parfaitement réussie

Pour qui ?

Un design des personnages toujours aussi classe.

Les fans de la licence râleront sans doute sur un univers plus polissé mais la présence d'un mode automatique à disposition les soulagera et les amènera à une expérience de jeu tournée vers l'essentiel ; ce qui n'est pas plus mal tant les heures de jeu et les moindres détails peuvent être poussés dans leur retranchement avec Disgaea 6 : Defiance of Destiny. Pour les néophytes, Disgaea 6 constitue la porte d'entrée idéale, tant par un scénario paradoxalement moins dispersé que des systèmes de jeu plus concentrés et un mode automatique pertinent en phase avec l'air du temps, qui leur offriront l'amplitude suffisante pour découvrir une licence et un style de jeu qui n'est pas toujours facile à découvrir ni à mettre entre toutes les mains.
Les fans de la licence râleront sans doute sur un univers plus polissé

L'anecdote

Le choix d'histoires disparates dilue l'univers.

Disgaea 6 : Defiance of Destiny s'offre un moteur 3D tout neuf, et ça en jette ! C'est beau comme tout, ça garde ses couleurs, ses personnages si charismatiques, et l'énergie du jeu s'en fait d'autant plus ressentir dans les nouvelles attitudes. C'est explosif ! Dommage que les performances techniques ne suivent pas toujours. Même si le jeu vous propose trois options graphiques, ce n'est qu'anecdotique tant elles ne fonctionnent pas : tout miser sur la fluidité et c'est la bouillie de pixels, ou au contraire miser sur les graphismes et là, ce sont des niveaux étriqués, saccades et compagnie... En ce qui concerne l'ambiance sonore, les musiques sont sublimes, par contre les bruitages en combat sont disgracieux et les personnages qui poussent des petits cris font ressembler le soft à une énorme orgie.
Les bruitages en combat sont disgracieux
Les Plus
  • Une jouabilité tellement maîtrisée
  • Plus classique, plus abordable.
  • Mode automatique qui revoit les paradigmes.
Les Moins
  • Techniquement à bout de souffle.
  • Lisibilité des terrains.
  • Scénario plus sage.
Résultat

Disgaea était cette série débordante, rebelle, qui faisait ce qu'elle voulait. Disgaea 6 : Defiance of Destiny revoit son positionnement, décide de venir en costume-cravate et réclame un statut plus digne pour une série qui a déjà 20 ans. Disgaea 6 marque une étape dans la série : son nouveau système de jeu vous permet d'aborder le genre tout en décontraction, autant qu'il vous permet d'en faire une lecture différente mais tout aussi experte. Ainsi c'est un jeu plus sobre, moins dispersé, où tout ce qu'il propose s'imbrique de manière maîtrisée. Disgaea 6 est un excellent cru, puissant, au corps solide : parfait pour découvrir une série d'exception à son summum. Dommage que quelques précipitations esthétiques viennent gâcher une bouteille qui aurait du être parfaite.

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