Test | Top Spin 2K25
03 mai 2024

Cooked on a feeling

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Top Spin 2K25

Top Spin, voilà un nom qui ne nous rajeunit pas. C'est doublement vrai ici puisque Top Spin 4, sorti il y a 13 ans, avait déjà été testé par votre serviteur. Autant dire que l'on n'espérait plus voir une suite à cet excellent jeu de tennis. C'était sans compter Take-Two, sa filiale 2K et le studio Hangar 13. Mais on va s'apercevoir que le monde a bien changé depuis 2011. Enfin, sur certains points...

La technique

Le premier contact avec Top Spin 2K25 est d'abord d'ordre visuel. Et on va être clair : cette première confrontation au jeu est décevante. Sachez qu'on n'aime pas vraiment les comparaisons farfelues ici (il faut avoir une mémoire douteuse pour affirmer que Pokémon Arceus a l'allure d'un titre PS2), mais Top Spin 2K25 n'a pour ainsi dire rien d'actuel. En étant tolérant, on peut dire que l'expérience s'apparente à une production du début de la génération Xbox One. D'autres, plus sévères, n'hésiteront pas à parler d'un rendu qui a des airs d'une simple mise à niveau graphique de Top Spin 4. Et on ne va pas vraiment leur donner tort.

Si la modélisation des joueurs et joueuses est à remettre en question, c'est aussi l'aspect des environnements et du public qui est regrettable. Plus que les graphismes, le titre ne propose que peu d'animations dignes d'aujourd'hui — si on excepte à la rigueur les vêtements et coupes de cheveux, en particulier pour les femmes. La plupart du temps, les ramasseurs de balles ou photographes ne sont rien de plus que des piquets ; et les effets visuels sont tout autant décevants. Les traces sur le terrain sont quasi imperceptibles (oui, même sur terre battue) et la gestion de la lumière s'avère pour le moins désuète. Finalement, la seule nouveauté palpable concerne l'ambiance sonore avec une idée assez originale : il est possible d'entendre l'environnement hors des stades (hélicoptères, circulation, sirènes de police). De même et à l'instar de la réalité, il arrive que le public crie entre chaque point — bien que le rendu manque globalement de diversité, et qu'il tranche avec des pros un peu trop silencieux.
Dix ans de retard, pour dix ans d'attente

Le gameplay

Les modèles sont sommaires, et l'ambiance pas au rendez-vous. Les femmes sauvent la mise.

Côté gameplay, nous allons voir que le bilan est en demi-teinte. D'abord, il est évident que le «  feeling Top Spin  » est de la partie. La lourdeur des balles est toujours réaliste, et même lorsque ces dernières « restent dans la raquette  », il est rare d'avoir un sentiment de frustration. Ainsi, le joueur a sans cesse (plus ou moins) l'impression d'être maître de ses coups et de son sort.

Néanmoins, on se rend compte qu'à force de chercher le feeling du quatrième épisode, le titre en conserve des défauts que l'on espérait être corrigés — ne serait-ce qu'un peu. Les échanges ont encore tendance à s'étaler en longueur... mais plus important, les lobs et amorties pâtissent du même problème qu'il y a 13 ans : un lob n'est que peu efficace et les amorties laissent — elles aussi — assez peu souvent les adversaires sur place. Dit d'une autre façon : ils frapperont toujours la balle. Bien sûr, ils peuvent parfois la mettre dans le filet, mais ils arriveront presque systématiquement à monter dessus.

Un point assez agaçant lorsque l'on sait que ce souci était l'un des plus gros problèmes du volet précédent. En allant plus loin, ce mimétisme prend d'ailleurs des proportions démesurées à l'échelle de ce nouveau titre. Par exemple, les coups en bout de course résultent le plus souvent en un joueur qui touche la balle avec le cadre de sa raquette. L'occasion, là aussi, de s'apercevoir que tout est strictement identique à autrefois : le jeu semble être basé sur des scripts en sortie de raquette, mais qui manquent de diversité puisqu'il n'arrive presque jamais que le sort soit en votre faveur.

Pour prendre un exemple concret, un tennisman en fin de sprint, qui se rate, mettra quasi constamment la balle dans le filet où 10 cm à l'extérieur du court... elle ne retombera que très rarement 10 cm à l'intérieur. Une gestion du hasard (qui n'en est plus) qui était similaire dans Top Spin 4. De même, vous noterez parfois une unique animation montrant le joueur se rater complètement et regarder le ciel d'un air désespéré. Un script là aussi évident avec un rendu qui, au final, reste toujours semblable.
Même joueur joue encore... au même jeu

Vous parviendrez la plupart du temps à toucher les amorties, parfois même après un contre-pied.

Il résulte de tout cela une impression assez désagréable pour quiconque a joué à Top Spin 4 et a un peu de recul : sur le plan du gameplay, le titre donne la sensation d'avoir affaire à une simple version 4.1, dans la mesure où il n'ajoute aucune idée faisant la bascule. C'est tout juste si les services ont été remaniés (ils nécessitent un peu plus de précision) ; et Top Spin 2K25 conserve justement une démarche si proche de son prédécesseur qu'elle en devient déconcertante (au point de se demander comment les développeurs ont fait pour recycler autant de choses, parfois des détails comme ceux évoqués plus haut, pour confectionner ce qui s'apparente à un «  rebuild  »).

Par exemple, il aurait pu être intéressant de renforcer l'aspect simulation en accentuant sensiblement l'impact de l'endurance sur les joueurs. D'abord, cela aurait évité les échanges de 20 coups (et toujours dans les mêmes schémas que jadis) mais surtout : une telle décision aurait prodigué un sentiment d'évolution ou d'audace. Plutôt que cela, 2K Sports et Hangar 13 donnent l'impression d'avoir fait le choix de la stabilité, de l'accessibilité et, disons-le clairement, de la paresse tirant sur la corde nostalgique des fans. L'endurance pâtit ainsi d'un problème déjà évident 13 ans plus tôt : cette dernière n'étant pas assez prononcée, les joueurs ne s'essoufflent pas outre mesure sur la longueur d'un match, et pas même au sein des courses dont l'impact anecdotique tranche avec celui des frappes puissantes.
Un manque d'audace

Le contenu

Votre équipe donne des bonus et les coachs des compétences. Tout coûte des VC... beaucoup.

Ce manque d'évolution sidérant ne serait pas un problème si le reste avait suivi, et notamment en matière de contenu. Hélas, en faisant les comptes, il faut avouer que le titre chagrine. Le mode Carrière est on ne peut plus conventionnel : vous choisissez un entraînement, puis un défi et enfin un tournoi auquel participer. Mais même dans ce format en apparence simple, le studio nous sort une idée un peu saugrenue puisque cette boucle représente un mois durant une saison. Si tout cela est audible pour les compétitions, on peine à comprendre l'intérêt d'insérer les exercices en les limitant au sein d'une telle formule, alors que monter le niveau de son pro prend du temps.

Parce qu'il faut dire que la Carrière, par sa progression et ses récompenses, n'est pas super motivante. S'il est possible d'acquérir les habituelles tenues avec des crédits (et tout cela coûte bonbon), il est difficile de se prendre au jeu quand, avant cela, nous avons dû passer par un éditeur de personnage on ne peut plus sommaire. C'est bien simple : nous sommes allés jusqu'à nous demander si ce dernier était volontairement nul, pour nous empêcher de confectionner nos propres pros ressemblant à ceux de la réalité, probablement pour mieux les insérer dans les pass par la suite. On nous a promis des joueurs et joueuses gratuits, mais sachez que parcourir le pass saisonnier demande de nombreuses heures de jeu (ou d'utiliser des crédits). Sans des joueurs comme Nadal, Djokovic, Tsitsipás, Zverev ou autres dans le panel, la question se pose nécessairement – surtout qu'aucun de ces prénoms ou surnoms n'est présent dans la base de données de l'éditeur de joueur.
Des déceptions avec le (mince) espoir d'un suivi

Le multi

À noter que des légendes comme Graf ou McEnroe sont aussi présentes.

D'ailleurs, il est temps de s'attarder un peu sur le panel de joueuses et de joueurs. Top Spin 2K25 propose certes pas mal de pros, mais on note une certaine dichotomie entre les hommes et les femmes. Entendons-nous bien : il n'y a rien de mal à jouer des tenniswomen dans un tel jeu, d'autant que l'on parle d'un sport où le circuit féminin est l'un des plus populaires au monde. Néanmoins, cela pousse à s'interroger, justement, sur la gestion des contrats et cela peut même, peut-être, interpeller sur les inégalités hommes-femmes dans la réalité : est-il plus facile de faire des accords avec des joueuses qu'avec des joueurs, pour une question de coût ?

Dans un titre où une connexion est obligatoire (oui oui, y compris pour s'adonner au mode Carrière), où des microtransactions douteuses sont présentes et où l'on nous promet un suivi (pendant un an du moins...), il sera intéressant de savoir la place qu'auront les pros qui arriveront en DLC. Autrement dit, est-ce qu'obtenir un grand nom masculin créera forcément l'évènement ? Plus qu'une femme ? Encore une fois, la démarche laisse sceptique dans la mesure où l'éditeur et le développeur ne semblent pas s'être questionnés sur ce type de sujet, pourtant fondamentaux en matière d'image véhiculée.

Dans tous les cas, le mode multijoueur de Top Spin 2K25 (hors connexion) sera la seule chose qui subsistera du titre dans quelques années. Autant dire qu'il avait intérêt d'être réussi. Cela part mal avec l'absence de match online en double, mais également avec l'impossibilité de pouvoir jouer contre un ami en ligne au moment de la sortie (cela devrait arriver à la fin du mois de mai). À cela, il faut ajouter un point assez discutable : on peut ainsi s'interroger sur l'équilibrage global de l'expérience, avec des personnages qui, dès l'écran de sélection, ont des niveaux disparates. Ceci est peut-être lié à des contrats servant l'image des pros (on n'en sait rien), et donc peut-être une simple indication visuelle, mais le fait que des joueurs rapportent que Maria Sharapova soit «  cheatée  » laisse penser que les soucis de Top Spin 4 sont là encore présents. Pour rappel, ce dernier, comme ici, avait tendance à privilégier les retours puissants et ainsi accorder une prime aux tenniswomen/men forts dans ce domaine. On peut également ajouter que la tendance est à la construction des mêmes builds pernicieux qu'autrefois (service slicé lent extérieur, pour mettre la balle de l'autre côté du court ensuite).
Deuxième service

La réflexion

Les terrains sont nombreux, et les surfaces légèrement plus perceptibles qu'autrefois.

En fait, il faut comprendre une dernière chose concernant Top Spin 2K25, et le fait que son modèle économique ne peut être dissocié du jeu en lui-même. Premièrement, il y a évidemment les origines de la licence, voire du genre, qui ont toujours eu pour habitude de proposer un contenu décent. Nous parlions des tenniswomen, mais il faut par exemple rappeler que ce genre a souvent eu pour particularité de les mettre en avant, et aussi d'y adjoindre une alternative de gameplay (rythme de jeu plus lent et, disons-le, parfois plus intéressant sur certains titres).

L'appellation 2K25 n'annonçait en réalité pas grand-chose de bon sur le plan du modèle économique, car la présence même d'une date semble indiquer une péremption. Rappelons que lorsque Microsoft relance Forza en désirant en faire un jeu-service, il a au moins l'élégance de remettre le nom à plat, sans indication pour faire comprendre que le suivi durera dans le temps. Là où tout cela devient grotesque, c'est lorsque l'on se penche sur l'essence des jeux de tennis en comparaison d'autres sport.

Ici, pas de mercato estival ou hivernal, et donc pas de nécessité de mettre à jour les effectifs. Alcaraz est disponible dans Top Spin 2K25 mais il va parcourir le circuit, de toute façon, pendant plus de 10 ou 15 années. Soyons honnête : nous n'avons rien contre les jeux-services en soi et, sur Gamatomic, certains en sont même de gros consommateurs. Néanmoins, ces dernières années, 2K semble avoir une drôle de tendance, que l'on n'imaginait pas il y a encore peu de temps, à savoir concevoir des jeux-services tout en obligeant les joueurs à les racheter cycliquement, comme les suites conventionnelles d'autrefois (à ceci près, et ce n'est pas rien, que l'accès au jeu solo ou autre est toujours disponible dans les titres d'antan). A-t-on simplement déjà vu un système aussi perfide ?
Quelle indignité ! Vous n'avez pas honte ?
Les Plus
  • Le feeling d'antan
  • 30 h pour atteindre le level 30
  • Les animations des vêtements et coiffures, la seule vraie nouveauté sur le plan visuel
  • L'ambiance sonore, pas mal
  • Panel de pros relativement fourni
  • Surfaces légèrement plus perceptibles
  • À défaut de vraiment se différencier niveau gameplay, les tenniswomen sont variées et parfois très convaincantes (la morphologie de Serena Williams)
Les Moins
  • Strictement les mêmes soucis que Top Spin 4 sur le plan du gameplay
  • Une technique franchement indigne des productions de l'éditeur, voire d'aujourd'hui
  • Des VC pour TOUT, y compris reset les stats (2700 VC !) alors qu'on nous promet des équilibrages
  • Les pass, très long à farmer
  • L'éditeur de personnages, à la simplicité scandaleuse
  • Connexion obligatoire pour la Carrière, et avec une mort quasi annoncée en prime
  • Multi en ligne entre amis pas disponible au lancement (alors qu'en même temps, on annonce la vie limitée du titre)
  • Pas de multi en double (mais à la rigueur, vu la durée des échanges...)
Résultat

Quelle déception ! À vrai dire, Top Spin 2K25 est un cas d'école tant il pose des questions sur les dérives de l'époque. Malmené par une connexion obligatoire, une boutique et un système de saisons finalement discutables (sachant que le jeu pourrait fermer ses portes fin 2026), cette renaissance peine également à convaincre sur le reste. Disposant d'un contenu qui interroge, le jeu prend en plus des airs pour le moins étonnants : assez vilain sur le plan graphique, il ressemble presque à un simple rebuild de Top Spin 4 sur le plan du gameplay. Et autant être cash (c'est le cas de le dire) : il est légitime de se demander ce qui est volontaire ou non (graphismes, jouabilité, éditeur de joueurs, panel de pros, etc.) dans tous ces éléments, lorsque l'on sait que le but est peut-être de nous faire repasser à la caisse dans un ou deux ans. Si ce jeu ne s'appelait pas Top Spin, tout le monde serait vent debout et s'accorderait pour pointer du doigt une démarche et une communication (bien des sujets ont été mis aux oubliettes par l'éditeur ces dernières semaines) calamiteuses. On parle souvent d'escroquerie pour qualifier des jeux qui ne sortent pas, ou avec un niveau de fonctionnement discutable. Peut-être faudrait-il y inclure cette autre tromperie, plus spécifique mais non moins malhonnête et problématique.

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Tribune libre