Test | The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom
22 août 2023

Larmes de sang

Testé par sur
The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom
  • Éditeur Nintendo
  • Développeur Nintendo
  • Sortie initiale 12 mai 2023
  • Genres Action, Aventure, Monde ouvert, Rôle

Connaissez-vous la fable du lièvre et de la tortue ? Sachez que si The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom avait été développé par La Fontaine et pas par Nintendo, Link aurait perdu contre le lièvre.

L'histoire

Dark Beast Ganon est mort, Hyrule est sauvé et notre Link n'a que quatre pas à faire pour retrouver Zelda : il part, il s'évertue ; il se hâte avec lenteur. Le joueur appuie sur courir mais Link broute, il se repose, il s'amuse à tout autre chose – il faut dire qu'il est incapable de courir plus de trois secondes sans s'essouffler. Le premier mini donjon du prologue est d'ailleurs une vaste blague : Link est incapable de traverser une pièce sans s'arrêter. Pour apprécier cette suite, apprends cher lecteur qu'il faut accepter de se hâter avec un train de sénateur.

C'est tout le paradoxe de Tears of the Kingdom : le jeu vous apprend très vite la frustration. Impossible de finir un combat contre un ennemi lambda du prologue sans que votre arme ne casse par exemple. Il faut très vite en changer avec une interface toujours aussi immonde, identique au premier. Là où la concurrence évite au maximum la frustration pour éviter de perdre le joueur, Nintendo fait presque du FromSoftware : le jeu vous apprend l'échec très vite, et compte sur votre ego, votre sens de la compétition, pour y prendre du plaisir.
Link est incapable de courir plus de trois secondes

Le principe

Cette suite reprend le monde et les personnages du précédent opus, avec quelques nouveautés.

Le prologue qui dure quand même quelques heures consiste donc à courir, puis à marcher le temps que votre endurance remonte, avant de courir à nouveau. C'est un jeu dans le jeu, surtout quand vous affrontez un groupe d'ennemis trop forts et que vous essayez de fuir. Si Ubisoft avait fait ça dans Assassin's Creed Valhalla, il se serait fait conspuer ; mais là ça passe, curieusement. D'abord parce que c'est Zelda, et que chaque épisode est rare, très rare – le précédent est sorti en 2017, c'est dire. Ensuite parce que la difficulté donne une sensation de risque qui renforce l'idée d'un monde dur, hostile, dangereux – dès le prologue, vous allez mourir de froid en apprenant à survivre en montagne sans les vêtements adéquats. Rude.

Tears of the Kingdom propose beaucoup d'exploration (où est passée la moto du DLC de Breath of the Wild ?!), dans des paysages déjà vus et revus puisque la carte est identique au précédent jeu. Pratique. Si vous avez déjà arpenté le premier jeu, vous reconnaîtrez les villages, la géographie, beaucoup de protagonistes... Impossible de ne pas être un peu déçu par ce recyclage après 6 ans d'attente. Certes des différences existent, à commencer par les morceaux d'îles qui tombent au sol, mais est-ce suffisant ?

Quelques nouveautés ont été très mises en avant par le marketing pour faire illusion. Il y a ces îles flottantes à découvrir, souvent minuscules dans les faits. Un nouveau pouvoir : celui de traverser les plafonds, tout simplement génial. Et des caves sombres... très sombres... qu'il faut littéralement éclairer soi-même – une purge. Sans oublier les engins à bricoler avec des trucs éparpillés au sol. Ce qui a donné pas mal de vidéos absurdes sur Internet... et de cheveux blancs aux joueurs en coulisses, vu l'interface immonde pour construire ne serait-ce qu'un bête radeau. Rien n'est facile ; installer un crochet à angle droit sur une bête planche est mission impossible. Le tout avec des ralentissements, tant qu'à faire. Les développeurs devaient en être conscients car vous finirez par construire automatiquement certains objets, mais chut ! pas de spoilers. Dans les faits, au début, l'effort n'est pas récompensé comme il se doit.
La difficulté donne une sensation de risque qui renforce l'idée d'un monde dur, hostile, dangereux

Le gameplay

Vaincre ce Griock redoutable ne vous apporte pas de récompense significative.

C'est le principal problème de cette suite. Comme dans le premier, mais de manière encore plus exacerbée, les récompenses ne sont pas à la hauteur. Vous épuisez vos munitions et vos armes (qui se cassent) sur un Griock, une Hydre redoutable ? Parfois vous n'avez même pas un bête coffre pour vous féliciter. Vous construisez un téléphérique du pauvre pour traverser un gouffre ? Quel intérêt, dans le précédent jeu vous auriez fait du parapente plus rapidement. Vous cassez trois armes sur des ennemis qui gardent un coffre pour récupérer au final... une arme moins bien ? Cheh ! Heureusement que vous pouvez associer des objets à vos armes, par exemple un caillou sur une épée ou un champignon sur un bouclier pour en prolonger la durabilité ou l'efficacité. Il y a bien quelques quêtes qui permettent d'en apprendre plus sur Hyrule, et celles-là sont vraiment conseillées. Dommage que les autres ne proposent parfois que des matériaux, des babioles ridicules. Le jeu ne vous donne pas assez de bonus pour le temps passé, en termes d'améliorations définitives par exemple. C'est le service minimum, et pourtant ça marche. Presque le syndrome de Stockholm : plus le jeu vous maltraite, plus vous devenez accro.
Vous cassez trois armes sur des ennemis pour récupérer au final... une arme moins bien ?

Pour qui ?

La construction m'a déçu. L'interface pour faire tourner et assembler les pièces est très imprécise.

Alors évidemment, Tears of the Kingdom est un vaste bac à sable bancal auquel les fans pardonneront tout. La foudre, le feu, le moteur physique et la difficulté rendent l'expérience à nouveau unique – vous allez vraiment vous creuser la tête pour lutter contre le froid, pour tuer un groupe d'ennemis dangereux en utilisant l'environnement, ou pour bricoler une machine capable de raser un camp de Bokoblins. Et l'exploration est tellement satisfaisante. C'est peut-être ce qui donne envie de revenir au jeu malgré tous ses défauts : Hyrule est un monde vivant, incroyablement varié, qui possède une âme. C'est le principal atout de ce jeu – son open world.
Un vaste bac à sable bancal auquel les fans pardonneront tout

L'anecdote

Je n'irai pas au bout de l'aventure : trop grand, trop lent.

J'ai fini tous les Zelda sur toutes les consoles, depuis la NES où je séchais les cours avec des soluces magazines sur les genoux, la Super Nintendo, la Game Boy et son incroyable Link's Awakening... Sans oublier la Nintendo 64, la Gamecube et The Wind Waker, jusqu'à la 3DS avec ses épisodes inégaux – je retiens le formidable A Link Between Worlds. Alors pourquoi diable Tears of the Kingdom me tombe des mains ? Comme Breath of the Wild, impossible de finir ce Zelda.

Il y a l'interface horrible, ne serait-ce que pour sélectionner ses flèches par exemple. Le fait que les armes se cassent. Et surtout ce système abominable d'endurance, qui me donne envie d'éclater la Switch contre un mur dès que j'escalade une surface. C'est leeeeeeent, mais leeeeeeeeeeeent ! Même au pas de course ou à dos de cheval, les déplacements rendent les immensités d'Hyrule ultra pénibles à traverser.

C'est à contre-courant de ce que propose l'industrie, qui a tendance à accélérer les passages chiants comme la course ou la grimpette – pensez à Marvel's Spider-Man et à sa gestion parfaite des déplacements en ville, ou encore à Atlas Fallen et à son surf sur le sable. Ici c'est vraiment pénible, c'est volontairement frustrant. J'ai l'impression de passer mon temps à crapahuter si lentement que je finis par penser à autre chose en jouant... puis à vraiment faire autre chose, pour de bon. Le déblocage de nouveaux objets donnant accès à de nouvelles zones, typique des épisodes 2D, me manque ici cruellement. Dans cet open world gigantesque mais lent, je peux aller n'importe où dès le début, une fois le prologue terminé ; sauf que j'ai envie d'aller nulle part.

Je pense que les épisodes Switch ont un rapport à l'espace qui ne me convient pas. Tout est trop grand, trop mou pour mon Link ; là où je me suis habitué à des espaces très concentrés, à la fois en ennemis et en mouvements, comme dans les épisodes en 2D. Le passage à l'open world a eu un effet soporifique sur moi. Au lieu de galvaniser, il endort. Au lieu d'exciter, il déçoit. Un peu le syndrome Red Dead Redemption 2, ou Assassin's Creed Odyssey : trop, toujours trop, avec du contenu dont vous ne voyez jamais la fin. Avec Mirage, Ubisoft revient à un jeu plus resserré, plus court. Voyons si Nintendo suivra cette approche avec un prochain Zelda, que j'espère plus concis, plus linéaire et pour tout dire, plus rythmé.

Merci à CCOX2049 & Ivan pour quelques uns des screenshots de ce test.
Un rapport à l'espace et aux distances clivant
Les Plus
  • Hyrule
  • Les quelques nouveautés
  • Le moteur physique et ses incroyables possibilités
Les Moins
  • Les récompenses ne sont pas à la hauteur des efforts : construction, quêtes secondaires, armes
  • La lenteur de Link, la jauge d'endurance
  • L'interface horrible
  • Les ralentissements en mode construction
Résultat

More of the same, comme disent les anglais. Tears of the Kingdom plagie jusqu'au Hyrule de son prédecesseur, recyclant énormément de grands espaces vides que vous allez prendre des plombes à traverser. C'est contemplatif pour les optimistes, déprimant pour les autres – à l'heure des Marvel's Spider-Man où on virevolte de décor en décor, revenir à la pesanteur terrestre d'un Red Dead Redemption 2 est compliqué. Restent les maigres ajouts, nouveau pouvoir, îles flottantes, monde souterrain à éclairer soi-même et constructions bancales amusantes sur YouTube, moins manette en main. Le tout fonctionne encore grâce au bac à sable d'un monde très vivant et cohérent, doté d'un moteur physique impressionnant. Hyrule est la colle qui fait tenir l'ensemble, entre frustration et émerveillement.

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